Beauty And The Beast - Aëlin

Il faisait un froid glaçial, la neige tombant férocement sur les vitres du château, les faisant trembler. Les domestiques, morts de peur, restaient figés dans un coin, un enfant caché dans les jupons de sa mère.
Le maître du château, Gackt Camui, restait aussi calme que possible, regardant d'un air méchant quiconque osait le déranger.
Il attendait la venue d'une certaine sorcière qui devait l'enchanter pour lui permettre de vivre à jamais comme à présent, mais celle-ci semblait n'être pas concernée par le fait qu'il attendait. Et cela le mettait dans une rage folle. Si ses yeux étaient des armes, il aurait déjà décimé tout son personnel.
Soudain, un éclair de lumière blanche frappa le manoir de la famille Camui, inhabituel en cette saison, et tout le bâtiment fut plongé dans une obscurité totale. Un hurlement de douleur retentit, et ce fut le silence total, seul le bruit du vent et des flocons gelés venant se cogner contre les fenêtres l'occulter.
Une rose, sur un guérridon de marbre, était posée en suspension, recouverte d'une cloche de verre.
La Bête était née.
Mana n'était pas comme tous les autres jeunes hommes de son âge. Au lieu de chasser ou de séduire les femmes, il restait seul. Seul dans le monde noir qu'il s'était créé. Un monde de souffrance, qui ne le faisait que rendre plus beau.
Il avait l'apparence d'une femme, image seulement salie par sa voix qu'il détestait tant. On ne l'entendait jamais parler en public, ou peu souvent. Son physique attirait nombre de rumeurs incensées, et il se sentait parfois persécuté par les autres gens de ce monde.
Mana ouvrit lentement les paupières, le soleil du petit matin l'éblouissant. Se retournant dans son lit, il tenta tant bien que mal de l'éviter, mais l'astre du jour ne l'entendait pas de cette oreille et faisait lentement glisser ses rayons ardents attenués par les vitres caresser les joues rose pâle de l'homme endormi.
- MANAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA ! OU AS TU MIS MON CHEMISIER DE CEREMONIE ?!!
Pestant contre l'homme qui partageait sa vie vingt quatre heures sur vingt quatre et qu'il était censé considérer comme son grand frère, Mana grogna avant de se résigner à se lever et montrer à son chien de frère où il avait mis les affaires qu'il avait nettoyé la veille.
Les deux hommes habitaient seuls une petite demeure contenant deux ou trois dépendances. Ne travaillant pas, les deux frères vivaient d'économie, et vendaient quelques objets quand le besoin s'en ressentait. Enfin, Mana savait qu'il était trop jeune pour travailler en dehors que dans la maison où ils logeaient, alors que la chose qui lui servait de frère, au lieu de bosser, montrer son joli minoi à quelques donzelles qui se faisaient prendre au piège pour une nuit pas plus.
- MANAA !
- Calme toi Kamijo ! J'arrive !
Il sauta de son lit, enfilant une robe de chambre en soie par dessus sa chemise de nuit et s'élança jusque dans la chambre dudit Kamijo, qui s'admirait dans le miroir, ses longs cheveux blonds épousant délicieusement les formes de ses épaules.
- T'aurais pu te dépêcher quand même !
- Je DORMAIS ! Excuse moi de faire ce que tu fais toi à longueur de temps ! Tiens, voilà ton satané chemisier !
Il lui lança en pleine figure, décoiffant le blond, qui justement avait mis deux heures à se coiffer.
- Tu peux pas faire attention, non ? Maintenant, à cause de toi, je vais être en retard !
- Ah la la, calme toi ! Je vais te refaire ta coupe !
Kamijo s'habilla sous l'oeil exaspéré de son frère, qui s'était assis sur son lit, posant délicatement les pans de sa chemise de nuit sur ses pieds nus.
Je me suis toujours posé des questions sur sa nature, pensa-t-il, est ce une fille ou un garçon ? Il a l'apparence d'un homme mais l'âme d'une jeune fille en fleur.
- T'as fini de me reluquer ? Je croyais que t'étais en retard ?!
Oui, mais bon, question language, il a quelques efforts à faire...
Il réajusta son haut, posant une veste de velour noir par dessus et se planta devant son frère.
- Tu peux y aller.
Mana passa délicatement un peigne d'ivoire dans les cheveux de son frère, concentré sur son travail, démélant une à une les douces et soyeuses mèches blondes du jeune homme, puis en ramena quelques unes sur le dessus du crâne de l'autre, les attachant à l'aide d'une sorte de ruban noir, en laissant quelques unes qui formaient des bouclettes couleur de paille libres, puis posa un majestueux haut de forme sur la tête de son cobaye. Il l'aida ensuite à enfiler une magnifique cape d'un noir intense, si intense qu'on se perdait en l'admirant, vestige de leur père qui était mort quelques années plus tôt.
- Merci mon chou ! Lança Kamijo en lui déposant un baiser sonore sur la joue.
Il ne prit même pas le temps de voir son frère prendre la teinte d'un coquelicot et s'élança au dehors, claquant la porte, ce qui fit sursauter le plus jeune.